une résidence d'artiste à l'hôpital psychiatrique
texte de Jean Delaunay, Directeur des soins du centre hospitalier départemental Georges Daumezon

publication 47°56'46.50"N 1°56'31.62"E / 47°54'13.62"N 1°53'47.19"E
résidence d'artiste Frac Centre / Centre Hospitalier Départemental Georges Daumezon , 2008

Dans le contexte déjà riche de l'action culturelle au CHD Georges Daumezon, le projet de résidence d'artistes occupe une place particulière. Il implique, de la part des artistes, le désir singulier de s'immerger dans un milieu inconnu et porteur d'infinies projections, en acceptant de voir ses représentations et donc son projet artistique transformés, "perturbés ", pour reprendre l'expression de DN / Laetitia Delafontaine et Gregory Niel.

De plus, la présence des artistes dans l'institution prend une forme différente de celle dont nous avons l'habitude, centrée sur l'animation d'ateliers ou d'événements et inscrite dans un rythme souvent similaire à celui des prises en charge. Il leur faut ici en quelque sorte habiter les lieux - résider - pour construire leur projet.

Pour l'hôpital, l'accueil et l'accompagnement d'artistes en résidence supposent d'accepter de voir s'engager dans ses murs, dans son organisation, un projet artistique autonome qui, bien qu'il ait été choisi en fonction de son interaction avec le milieu psychiatrique et les publics qui le fréquentent, s'inscrit prioritairement dans la démarche des artistes, indépendamment d'éventuelles perspectives soignantes ou thérapeutiques et sans impliquer directement les patients et les personnels.

Avec la résidence, l'hôpital postule sur un enrichissement mutuel des représentations et des perceptions des artistes, des patients et des personnels sur l'institution et les soins. Il s'autorise ainsi à soutenir la construction de perceptions autres, " nouvelles ", à l'oeuvre dans la production des artistes en résidence. En cela, il participe au retissage des liens, aujourd'hui distendus, qui autrefois associaient la psychiatrie, les arts, les sciences humaines et la philosophie.

Dans une période où les faits divers sont souvent les seules occasions de " discours " sur la psychiatrie, il est précieux de voir des artistes et des institutions s'emparer de ces questions et faire ainsi évoluer les représentations et les conceptions, tant pour le grand public que pour les professionnels et les usagers.

L'engagement du FRAC Centre est un élément essentiel de cette résidence en milieu psychiatrique. Il lui confère une double spécificité en l'inscrivant simultanément dans le champ de l'Art Contemporain et dans celui du dialogue entre l'Art et l'Architecture. De plus il garantit un haut niveau de qualité artistique et une forte mobilisation des artistes pour la résidence.

Il est sans doute prématuré de vouloir rendre compte aujourd'hui de la résidence de DN au CHD. Cela nécessiterait, en effet, de réunir les ressentis et les réflexions de tous ceux qui se sont impliqués dans cette aventure, tant sur la relation avec les artistes que sur la réception des " espaces-images reconstruits " dans l'installation.

On peut toutefois souligner comment leur présence attentive et discrète, leur attitude réceptive et leurs observations ont permis de recueillir une multitude de perceptions, d'impressions individuelles, personnelles, intimes en quelque sorte, dans un climat de confiance, ne soulevant aucune inquiétude quant à leur utilisation.

Celles-ci sont présentes comme des " témoignages cryptés ", dont le contenu et les effets sur l'oeuvre resteront à jamais mystérieux et présents à la fois. Il y a aussi ces références subtiles, échos à la fois de la vie de l'hôpital - les lignes d'erres du trajet hésitant d'un patient rencontré la nuit en référence aux travaux de F. Deligny ; le coffret destiné à accueillir un fusil d'André Robillard - mais aussi à l'histoire de la psychiatrie et de l'architecture hospitalière - les néons dessinant la molécule de chlorpromazine qui se reflète dans les 12 mètres carré de faïence blanche posée au sol, exacte mesure de la surface d'une chambre d'hôpital ; l'allusion amusée à la luxothérapie dans la pièce d'exposition du Colombier.

Ce que l'on peut, d'ores et déjà, percevoir comme une réussite n'aurait pu avoir lieu sans la participation des patients et du personnel et l'accompagnement attentif de la résidence par l'équipe de PETAL, les accueillants du Colombier, les services logistiques et techniques et le service Culture/Communication. Gageons que la qualité artistique du travail de DN ainsi que l'investissement de l'hôpital dans ce projet soit le point de départ de résidences futures toujours plus fructueuses au CHD.


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